CALINE
Ailes- 1997
"imagine l'aurore devenir cendre et la nuit capturer l'indicible
frôlement des lunes", ainsi parlait Brigitte au petit matin, le nez
dans son bol de chocolat, l'oeil à demi clos mais le regard précis
comme celui d'un chat en maraude. Une mèche de ses cheveux trempait
dans le bol, mais cela semblait beaucoup l'amuser de me voir ainsi
soupeser chacun de ses gestes, tel un géomètre anatomiste ou un
photographe amoureux.
Le dos voûté doucement sur la table, elle
continuait sa poésie lascive et douce, "et quand la pluie s'émerveille
sous mes pas, l'herbe est elle câline ou humide...". Je ne répondais,
de peur de briser le charme de cette scène, je regardais sa lèvre
enflée, papillonner autour d'une larme de miel. Sa chemise entrouverte
laissait entrevoir un sein d'une pureté individuelle et enfantine, mais
elle s'en moquait et continuait: "et si quand je danse, mon coeur
s'arrête de battre, qui me reveillera...un cri, un souffle...". Sa joue
rougissait et je voyais à sa mine qu'elle envisageait l'indicible et le
frôlement vide d'une caresse.
Elle se retournait vers la fenêtre,
d'un air délicatement mathématique et ajouta: "Et si mon âme tombe
amoureuse de tes mains, mon corps en jouira t 'il...".
Je décidais
de suite d'élucider ce tendre mystère, avec toute la philosophie
comprise et entendue d'un croissant, trempant dans un bol bleu de
chocolat...
"Et si........"
Olivier Jollant